Le bitume redevient nature... la suite !
Les enjeux de conservation de la Réserve Naturelle Nationale de Neuhof-Illkirch Graffenstaden
En septembre 2012 la réserve de Neuhof-Illkirch, caractérisée par une forêt ancienne et luxuriante de 945 hectares, a été créée par décret ministériel afin de restaurer et conserver une partie de la mosaïque d’habitats naturels des milieux alluviaux du Rhin.
La Ville de Strasbourg, gestionnaire de ces espaces naturels classés a lancé en 2019 une démarche participative de révision de son plan de circulation, permettant la requalification de chemins, la renaturation d’anciennes routes forestières et la création de zones de quiétude pour la faune.
Avec plus de 80 km de routes, chemins et sentiers, la forêt est traversée par de nombreux cours d’eau et mares, héritage du Rhin. Cette accessibilité peut avoir des conséquences négatives sur des espèces particulières que la réserve a vocation à protéger. En effet, certaines espèces perçoivent instinctivement la présence humaine comme celle d’un prédateur. À titre d’exemple, l’autour des palombes (Accipiter gentillis), rapace forestier de la famille des éperviers, est le symbole de ce besoin de quiétude. Il a besoin de grandes aires forestières pour nicher et chasser. Très sensible à la présence humaine, il peut abandonner son nid s’il est dérangé.
Ainsi, pour réduire le dérangement tout en permettant aux promeneurs, cyclistes et cavaliers de profiter de cette forêt ; une révision du plan de circulation s’est imposée. Afin d’associer l’ensemble des riverain·nes, usagers et acteur·rices de la réserve à l’élaboration de son futur plan de circulation, la Ville de Strasbourg a organisé une série d’ateliers de concertation de février à juin 2019. Une cinquantaine de personnes ont régulièrement participé à ces ateliers.
Le nouveau plan de circulation de la réserve de Neuhof-Illkirch
Après avis favorable du comité consultatif, la préfète de Région a validé la proposition issue des ateliers de concertation par arrêté préfectoral du 22 décembre 2020. Le nouveau plan de circulation permet :
• De rationaliser le réseau de cheminements en conservant 38 km de voies accessibles au public (contre environ 80 km précédemment) ;
• De consacrer environ 50% de la surface de la réserve naturelle en « zone de quiétude » et en libre évolution (contre environ 30% précédemment) ;
Lors des ateliers de concertation, les participants ont de plus souhaité redonner un caractère paysager plus naturel aux chemins qui jalonnent le site mais également que soient mis en œuvre des travaux de restauration des anciennes routes forestières situées dans les « zones de quiétude ».
Dans le cadre du plan de relance, l’État a retenu le projet de démantèlement et transformation des anciennes routes forestières en contribuant à 80 % du budget de l’opération, évaluée à environ 440 000 €.
La première phase de ces travaux s’est terminée le 28 février 2023 et a permis d’atteindre les résultats suivants :
• 3,8 km d’anciennes routes démantelés et fermés au public,
• 1,6 km d’anciennes routes démantelés et réaménagés
• 1,8 km de sentiers rénovés
• soit 27 300 m² (~ 2,7 ha) restitués à la nature
• 16 types de polluants identifiés (hydrocarbures aromatiques polycycliques), extraits de la réserve et dépollués ;
La collectivité franchit en ce début d’année 2024 une nouvelle étape majeure en entamant la deuxième phase des travaux avec le démantèlement et le réaménagement de l’ancienne route de la Schafhardt, une voie de 8 m de large et d’une profondeur de plus de 50 cm.
Cette deuxième phase de travaux vise à atteindre les objectifs suivants :
• 1,7 km d’anciennes routes démantelé et réaménagé en piste réservée gestion/secours (fermée au public pour la quiétude la faune),
• 1 km d’anciennes routes démantelé et réaménagé en sentier accessible au public,
• Soit 12 800 m² (~1,3 ha) restitués à la nature.
Un support d’étude à ciel ouvert
Des suivis scientifiques en partenariat avec l’Université de Strasbourg seront réalisés sur la route remise à nue afin de suivre le développement de la végétation.
Isabelle Combroux, professeure spécialisée en écologie de la restauration et ingénierie écologique utilise régulièrement les routes précédemment démantelées comme laboratoires à ciel ouvert pour y former ses étudiants de master. D’après son analyse, les zones en question ont rapidement été colonisées par des végétaux typiques de la forêt alluviale rhénane, contrairement à la colonisation d’espèces exotiques envahissantes qui était crainte.